La femme a, entre ses cuisses, un tombeau, un gouffre, une abîme. Son sexe est un enfer, souterrain, où, tout au fond, coule un grand fleuve blanc et rouge, un Styx qui charrie le lethé mêlé au nepenthès. Mais les portes écarlates de cet enfer sont gardées, et bien gardées, par un monstre cyclopéen dont l'œil béant, toujours exorbité, hypnotise tous les hommes et charme leur pénis, comme en Inde les joueurs de flûte savent charmer les cobras. L'homme voudrait partir à la conquête de cet enfer, pour y trouver l'amour, comme Dante y trouva Béatrice, et Orphée Eurydice, mais il le craint, car il sait qu'il peut s'y perdre (on ne sait jamais si ces trous obscurs ont un fond) et s'y damner (quel diable se dissimule dans ce grand gouffre ? Quelle mâchoire ? Quel virus ?), et c'est pourquoi il en a peur, comme il a peur du néant.
Cette poche obscure et flasque est un enfer, certes, mais c'est aussi un volcan, toujours au bord de l'éruption, toujours fumant de vapeurs toxiques et capiteuses ! Ah quel geyser d'odeurs ! Quels délices d'effluves ! Ô les vapeurs exquises du souffre vaginal ! Ô les parfums ambrés des frottaisons humides ! C'est l'odeur même du désir. L'immédiate tentation ! Le flacon des plus grisantes ivresses !
Qu'un sexe de femme en fleur soit présent dans une pièce, et aussitôt on en comprend la nature infernale. Dès qu'il se présente, illico, l'ambiance se tend, les sourires se figent, les opinions se modèrent, les plaisanteries se dessalent, les pulsions éclosent, les amis se trahissent et les instincts prennent le contrôle des corps. Le sexe d'une femme est comme une grenade lancée dans la gueule de la camaraderie. C'est le maelström de toutes les frictions. Le puits sans fond de tous les désirs.
Et le premier qui a su nous montrer la femme sous ce visage, sous ce vrai visage, cruel et tentateur, horrible et voluptueux, atrocement alliciant, c'est le Titien.
L'Incomparable Titien !
Avant lui, les choses étaient simples en peinture : on trouvait d'un côté des Vierges et les Vénus qui folâtraient dans les limbes (c'étaient les nymphes métaphysiques de Botticelli et les madones douceâtres de Fra Angelico) et de l'autre les femmes réelles, épousant la beauté incertaine de la chair, tantôt belles, tantôt hideuses (c'étaient les nobles Florentines de Ghirlandajo et les grasseyantes teutonnes du bon Cranach).
Et puis vint le Titien.
Et toute la peinture en fut bouleversée.
Le premier, il abolit les frontières entre le monde sensible et le monde intelligible. Le premier il mêla l'esprit à la chair, le mythe à la réalité, la femme et la madone. Grâce aux leçons de son maître, le grand Giorgione, il fit primer la couleur sur le dessin et fit jaillir sur la toile un grand éclat sensuel, où la couleur répond à la couleur, où le rouge éclatant de lèvres cruelles répond aux seins pulpeux d'albâtre qui triomphent sur la gorge de Vénus, où les fonds infiniment obscurs s'harmonisent à l'affolante blondeur des cheveux vénitiens, et où partout la chair semble frémir sous l'œil lubrique du spectateur.
C'est comme s'il avait trempé son pinceau, ce fameux pinceau que les empereurs ramassaient jusqu'à terre, directement dans le con de la femme. Il s'est servi du vagin comme d'une palette et il a imprégné toute sa peinture d'un foutre bien épais, bien onctueux, qui lui fait comme un brillant vernis de stupre.
Ainsi, l'art si éclatant du Titien est donc idéal pour peindre la femme, car, comme elle, il s'impose immédiatement aux sens et au sexe, il agit tout droit sur nos plus voluptueux instincts. Et par cette technique, par cet éblouissement de la couleur, il peignit les déesses comme des femmes et les femmes comme des déesses, en les enrobant toutes de ce même amas moelleux de chair bien tendre. Le Titien est parvenu à faire descendre l'Olympe dans le boudoir. Il a mis Vénus dans un bordel et les putains sur des nuages. Il n'y eut plus alors de différence entre les femmes et les déesses.
De cette manière il a fait don aux hommes d'une beauté nouvelle et nous a rendu la femme plus troublante, plus sensuelle, plus érotique, plus bandante, mais en même temps plus divine, c'est-à-dire plus cruelle, plus impérieuse, plus inaccessible, plus effrayante...
Et rien ne le prouve davantage que cette insaissable Vénus à la fourrure. Vêtue de son étoffe de poils, qui lui fait comme une seconde toison d'orgueil, elle ne jette sur nous qu'un oeil injecté de dédain à travers son miroir, portés par ces angelots qui semblent rire de nos minables bandaisons, et ses lèvres empoisonnées d'amour lui font comme un piédestal de cruauté !
Ô femme inabordable, que l'on ne regarde qu'en s'excusant de sa propre laideur ! Ô charnelle étoile pour qui tous les hommes sont des vers ! Comme je t'aime et comme tu me méprises ! On ne peut que t'adorer, te vénérer, et puis souffrir...
Ah comme avec bonheur je sucerais tes pieds qui foulent mes ardeurs, et comme je subirais en jouissant toutes les insultes de ton mépris. Penser que jamais je ne baiserai ces seins splendides et mûrs me donne envie souvent de pleurer des larmes de sperme. Ah que mes couilles éclatent et que ma bite se meure si je ne peux t'enconner déesse des plaisirs impossibles, des frustrations sacrées, ô souveraine courtisane, adorable bourreau, Vénus bien trop humaine....
Bacchus, Venus et à quand Oedipe ?
RépondreSupprimerAh.. que Leopold doit être heureux, plus bas que terre, loin de Wanda !
RépondreSupprimerAimez la femme en fourrures, faites attention au Grec, lorsqu'elle en aura eu assez des idolâtreries qui l'emprisonnent..
m