octobre 09, 2009

Comment se suicider avec goût

Savez-vous quel est a été le dernier acte de Kurt Cobain avant de se faire sauter le caisson, le 5 avril 1994 ? Il a écouté un disque de R.E.M., Automatic for the People. Oh, ce n’est pas leur album le plus mauvais, mais tout de même : ce mec (Cobain) a tutoyé les sommets, il a écrit quelques unes des chansons les plus fortes des 90’s, allez, on peut même dire qu’il a réussi à renouveler le rock, et la dernière chose qu’il ait entendu avant de crever, c’est la voix bêlante de Michael Stipe en train de brailler « Everybody Hurts ». N’est-ce pas là une fin particulièrement pathétique ?
Ian Curtis, le chanteur de Joy Division, a fait preuve d’un goût plus sûr, puisque avant de se pendre, il a opté pour un bon vieux disque d’Iggy Pop, l’excellent The Idiot. Bon, il s’est aussi maté le film Stroszek de Werner Herzog. Ce n’était peut-être pas un choix très judicieux :



Non, pour réussir son suicide avec goût, il convient de réfléchir soigneusement à la musique d’accompagnement. Première règle : éviter d’écouter quoi que ce soit qui pourrait vous redonner confiance en la vie. Ainsi, les chansons de James Brown ou de Bob Marley, beaucoup trop entraînantes, sont à proscrire. Une solution de facilité serait de se passer un morceau qui, à l’inverse, vous ferait perdre vos derniers lambeaux de foi en l’humanité : après tout, pourquoi ne pas s’envoyer « Femmes je vous aime » de Julien Clerc ou « Tout le bonheur du monde » de Sinsemilia, pour accélérer votre envie de presser la détente ? Tout simplement parce que ça n’aurait aucune élégance, et que vos proches, découvrant les mp3 en question dans votre playlist, à côté de votre corps sans vie, pourraient se méprendre sur la qualité de votre goût. Vous n’avez quand même pas envie que le nom de Julien Clerc soit associé pour l’éternité à votre mémoire ?

Attention au piège Radiohead !

En réalité, la plus grande erreur serait d’écouter une chanson dite « triste ». Prenons la première chanson de Radiohead venue : vous serez probablement d’accord pour dire que leur musique est triste, mélancolique, voire funèbre. Mais examinez précisément ce que vous ressentez en écoutant « Karma Police » ou « Street Spirit (Fade Out) » : ne serait-ce pas tout simplement du plaisir ? Une sorte de joie superficielle et vaguement bourgeoise, la satisfaction banale d’y distinguer l’écho de votre prétendu mal-être intime, la pure jouissance d’entendre vos petits tracas sublimés en la mineur ? Écouter ce genre de choses après un échec sentimental, par exemple*, n’est-ce pas rechercher dans la communion musicale le partage de sa propre douleur, fût-ce avec ce pontifiant raton-laveur qu’on nomme Thom Yorke ?

La musique de Radiohead est éminemment consolatrice : chacune de leurs notes vous déleste d’un peu de votre tristesse. En fait, c’est un peu le Tampax de votre spleen. C’est son habileté, mais aussi sa limite : difficile de se flinguer dignement après s’être mouché dans l’épaule de papa Yorke. Un suicide parfaitement abouti requiert bien plus que ces épanchements somme toute assez vulgaires.

Un grand critique américain, à propos du « He Loved Him Madly »** de Miles Davis, parlait d’art non pas simplement cathartique, mais authentiquement dépressif. Il voyait ce morceau comme un bloc de souffrance crue, un truc qui vous transperce le cœur et vous fait tellement mal qu'il vous donne envie de couper le son, de la même manière qu’on souhaiterait que tout s’arrête après s’être fait larguer.

C’est exactement la musique qui convient au suicidaire un minimum exigeant : vous pouvez l’écouter à n’importe quel moment, même quand tout baigne, même si vous êtes à la plage ou à Disneyland, elle ira chercher toutes vos angoisses latentes et vous les plantera dans le cerveau jusqu’à ce que vous appuyiez sur la touche stop de votre baladeur. Pour une simple raison : là où certains morceaux se contentent de refléter le désespoir, d’autres génèrent le désespoir. Après avoir écouté ce genre de choses, évidemment, on peut toujours se mettre un petit Radiohead pour se ravigoter, plutôt que d’aller tout de suite chercher les lames de rasoir.

Toujours est-il que pour aller jusqu’au bout de votre décision, il est indispensable que l’accompagnement musical vous conforte dans votre choix, c'est pourquoi mieux vaut choisir un morceau dans lequel aucune forme de catharsis n'est prévue au programme. En gros, il faut que votre chaîne hi-fi, tout en vous permettant de magnifier à peu de frais votre passage dans l'au-delà, enfonce le clou : « Ben ouais, la vie c’est de la merde, alors saute par la fenêtre ».

Mais trêve de blabla, voici nos conseils en matière de musique suicidaire (bon, évidemment, le top du top reste la Sonate au clair de lune de Beethoven ou l’Adagio pour cordes de Samuel Barber, mais tout cela reste un peu trop grandiose pour votre petite personne).

Lire nos conseils


* Cet exemple particulier de blessure psychologique, qu’on pourra juger trivial, aura néanmoins le mérite de parler à la plupart des lecteurs de ce blog. Il est en effet douteux qu’un nombre significatif d’entre eux ait vécu le génocide rwandais, ou soit atteint de tétraplégie.
** Ce morceau de trente minutes, présent sur l'album Get Up With It (1974), est un hommage à Duke Ellington, décédé quelques mois avant son enregistrement. Duke Ellington : vous savez, ce Noir qui faisait du jazz. Non, pas celui-là, l'autre.

13 commentaires:

  1. Et pourquoi ne pas allier suicide et bonne humeur ? Voilà un petit accompagnement musical pour rendre vos suicide plus funky. Voyez le bon côté des choses : vous faites de la place aux autres !

    http://www.youtube.com/watch?v=oPQ-GTlaFeA

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  2. Votre suicide de salon me débecte. Un suicide aussi futile que toute cette masturbation intellectuelle dont vous usez avec ostension dans votre misérable existence.
    Qui ne fait honneur à la vie ne peut le faire correctement à la mort. Commencez donc par vous taire un peu et ce sera un bon début pour oser parler avec "gout" de cette éternité silencieuse que vous ne connaissez point.

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  3. Une vague impression me laisse sous-entendre (et peut-être à tort) que les commentaires anonymes sont postés par les "dits" membres de cette congrégation pustuleuse, dans le but même de faire tourner le débat vers la provocation la plus gratuite.

    J'approuve totalement.

    Et je signe, car moi au moins je revendique l'insignifiance de mes propos.

    Adrien Stalter.

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  4. J'ai la même impression que vous M. Stalter...
    Toutefois je vais répondre à M. Anonyme.

    L'objet de cet article était précisément de donner quelques conseils pour rendre un peu moins futile, plus "grandiose" dirons-nous, le passage dans l'au-delà des potentiels "suicidés de salon" auxquels ce billet s'adressait en effet.
    Une session de rattrapage, en quelque sorte ! à l'attention des petits neurasthéniques, des dépressifs du dimanche et autres Werther de bazar qui seraient tentés de corriger l'inconsistance facebookée de leur existence par une mort un peu superbe. Une goutte de Beau dans un océan de laideur, en somme !
    Il va sans dire que les véritables suicidaires, les maestros de l'arme à gauche, les poètes lucides du flinguage, n'auront que faire de ces recommandations. Le silence, seul, peut faire justice à l'acte ultime et - n'ayons pas peur des mots - magnifique d'un Thích Quảng Đức, d'un Hannibal ou d'un Maïakovski !
    Mais force est de constater que le temps des beaux suicides est révolu. L'auto-immolation ne se pratique plus guère. Le satî hindou est passé de mode. Quant au seppuku, il est carrément "out".
    Aujourd'hui pour s'élever, il faut vendre, faire du sport et avoir plein de potes virtuels - même ce bon vieux spleen baudelairien est l'objet de la risée collective ! Esthètes de la Mélancolie, passez votre chemin. L'heure est aux petites morosités façon Houellebecq.
    Alors forcément, on a les suicides que l'époque mérite. Viaducs pedzouilles ! Absorption de shampooing ! Corde à rideaux ! Tailladage Wilkinson ! Pour le même prix vous aurez droit aux épitaphes compassées de vos proches, ah si j'avais su, le pauvre, on n'aurait pas cru ça de lui... avant incinération et stockage définitif - que c'est bas et laid !
    Analysé, classifié, durkheimisé, le suicide est décédé. D'ailleurs les médecins lui préfèrent maintenant le terme d'autolyse, qui désigne à l'origine l'auto-destruction des cellules.
    Cellules de mes couilles ! Vous avez raison, cher Anonyme, de penser que faire honneur à la mort c'est d'abord faire honneur à la vie. Mais comment honorer l'une ou l'autre quand tout, aujourd'hui, concourt à leur avilissement ?

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  5. Monsieur,

    Parce que vous m'êtes sympathique, je daigne vous livrer un secret que mon âge grandissant à bien voulu retenir, en espérant qu'il soit profitable à votre jeune fougue impétueuse.

    C'est simple, à vouloir traquer le laid, vous vous enlaidissez. On ne s'élève pas au dessus de la médiocrité, on y reste indissolublement lié. Pour citer Whitman :" Les années vides et inutiles de la vie des autres, des autres à qui je suis indissolublement lié. "
    Pauvre petit esthète, vous qui souhaitez vous élever, apprenez à plonger vos racines dans la laideur de ce monde, à vous nourrir de son nectar putréfié. C'est à cette seule condition que vous pourrez vous élever en proportion et produire, peut-être, quelques beaux fruits.

    Finalement, je n'étais pas venu ici pour faire part de celà. Je voulais simplement vous dire que le suicide n'est pas un art et encore moins un spectacle. Jeune branleur, peut-être vous faudrait il commencer par mettre en pratique vos bons conseils pour comprendre celà.

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  6. J'ai perdu ma force et ma vie,
    Et mes amis et ma gaieté;
    J'ai perdu jusqu'à la fierté
    Qui faisait croire à mon génie.

    Quand j'ai connu la Vérité,
    J'ai cru que c'était une amie;
    Quand je l'ai comprise et sentie,
    J'en étais déjà dégoûté.

    Et pourtant elle est éternelle,
    Et ceux qui se sont passés d'elle
    Ici-bas ont tout ignoré.

    Dieu parle, il faut qu'on lui réponde.
    Le seul bien qui me reste au monde
    Est d'avoir quelquesfois pleuré.

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  7. Tout à fait d'accord avec Pierre, les suicides d'aujourd'hui manque vraiment de classe : tous les jours des avaleurs d'antigel, des suicidés à la vitamine C.
    Pour avoir vu un décès aujourd'hui de mes yeux avides, je ne peux que conseiller ce titre ( 3min30, le temps de la chanson, entre l'arrêt respiratoire et l'arrêt cardiaque.)

    http://www.youtube.com/watch?v=lyPx-d0zEz0

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  8. Bla
    bla
    bla.

    la critique est aisée, l'art est difficile. Vous êtes mécontents ? Montrez la voie !

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  9. Vous avez bien raison, ma bonne dame !

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  10. Pierre,
    Jeune branleur, vous irez loin dans ce monde sans âme. Entre l'auto-satisfaction et le léchage de bottes une belle carrière d'émasculé vous attend.

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  11. En revanche, ce petit commentaire ne manquait pas de panache. Chapeau mon vieux !

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  12. J'aime les gens comme vous qui se laissent insulter parce qu'ils savent qu'ils ne sont que de la sous-merde, car en effet à force de prendre les gens pour de la merde, on finit soi même par être nauséabond. Vous illustrez à merveille l'insignifiance outrancière de ce blog de merde : Vous ne pétez pas plus haut que votre cul car pour vous il n'y a rien au dessus. Continuez donc à jouer avec vos amis pour faire chier ce monde qui vous emmerde ! Et surtout ne changez rien, restez toujours ce connard facile qui ne respecte rien et qui videra jusqu'à sa dernière goutte de sens ce monde de saveur en perdition.

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