Un Icaunais nommé Treiber

On parle beaucoup ces derniers temps de la réussite économique des régions françaises : on vante, non sans raison, le dynamisme de Lyon, dont témoigne l'abondante construction de gratte-ciels, on applaudit la très moderne Nice et sa Silicon Valley à la française, on porte Grenoble au pinacle pour son prestigieux succès dans les nouvelles technologies et on ne tarit pas d'éloges à l'égard de la Bretagne, dont l'industrie crêpière n'a jamais été aussi florissante. Pourtant il est une région, qui est elle aussi en plein essor, sans pour autant se départir de sa légendaire modestie : l'Yonne !

Oui l'Yonne, la glorieuse patrie d'Émile Louis, l'éblouissante terre natale du bon docteur Petiot, ce département si fameux pour ses disparues du même nom. C'est dans l'Yonne que Michel Fourniret commit ses premiers enlèvements, ses premiers viols et bien sûr ses premiers meutrres, dans le bien-nommé village de Saint-Cyr les Colons. Saviez-vous que c'est à un habitant de l'Yonne (Restif de la Bretonne) que nous devions l'invention du mot pornographie ? Et c'est encore dans l'Yonne que vécurent les époux Dunand qui pratiquèrent pendant quelques années la torture sur mineurs, dans leur cave, visitée par tous les notables du département !

Bienvenue dans l'Yonne les enfants !

C'est tout cela la culture icaunaise : un savant mélange de ruralité traditionnelle, de mœurs paysannes un tantinet bourrues et de perversité sexuelle assouvie par le meurtre !

Une culture dont le succès ne se dément pas puisqu'elle s'exporte jusqu'en Polynésie !!

Autant dire qu'il ne fait pas bon avoir moins de 10 ans dans l'Yonne, en particulier dans les transports en commun. Et si, par-dessus le marché, vous avez le malheur d'être trisomique, vos chances de préserver votre anus intact avoisinent le néant !

Souhaitons bon courage à cette jeune Auxerroise pour qui l'avenir s'annonce analement douloureux.

Une culture riche et fascinante, mais pourtant menacée puisque dernièrement, la députée UMP de l'Yonne, madame Marie-Louise Fort, proposa de faire voter une loi à l'Assemblée Nationale pour prohiber l'inceste ! Il est regrettable que dans une démocratie moderne l'élite politique soit aussi coupée des mœurs de son électorat. Dieu merci, toute la classe politique n'est pas aussi corrompue et certains élus savent faire honneur à la culture de leurs administrés, comme Patrice Milleron, adjoint au maire de Vézelay, qui fit boire son foutre à son neveu.

On peut dire que cette bite en bouche est un joli pied-de-nez à tous les culs serrés.

Mais malgré les menaces qui pèsent sur son existence, la culture icaunaise ne s'est jamais aussi bien portée qu'aujourd'hui, au point qu'on ne parle plus que d'elle dans toute la presse, et ce triomphe elle le doit à un seul homme : Jean-Pierre Treiber !

Jean-Pierre Treiber a d'autant plus de mérite à porter aussi haut le gonfalon du 89, que lui-même ne vient pas de la région. Il naquit en Alsace, où, après une enfance sinistre, il décida d'exercer la noble mais rustique activité de garde forestier. Plusieurs années de travail dans les bois firent de lui l'homme que l'on connait aujourd'hui : une sombre brute très bourrue d'une modestie à toute épreuve et d'une exemplaire discrétion. Mais les années passent et notre ami Treiber finit par se lasser de la choucroute et des grosses dondons qui trouvent gracieux de se nouer un gros nœud papillon noir autour de crâne : il déménagea dans l'Yonne.

Ce simple changement de domicile, en apparence très ordinaire, va faire basculer le destin de ce trappeur, car il va très vite intégrer les mœurs du département où il s'installe. D'ailleurs Treiber ne réside pas dans un village quelconque : il achète une propriété à Villeneuve-sur-Yonne ! Connaissez-vous Villeneuve-sur-Yonne ? C'est la commune qui eut jadis pour maire Marcel Petiot, avant que celui-ci ne parte pour Paris pour y incinérer quelques levantins. Autant dire qu'à côté de Villeneuve-sur-Yonne, la ville d'Outreau ressemble à Disneyland. Pourtant, alors que la plupart d'entre nous auraient fui un tel trou avec la plus vive célérité, Treiber, lui, cet isolé habitué à vivre dans les bois, en quête de compagnie, va chercher par tous les moyens à intégrer cette communauté et à en adopter les us et coutumes, même les plus sanguinaires. De ce point de vue l'intégration de Jean-Pierre est une réussite (un modèle même, à l'heure où la République connait de plus en plus de difficultés à intégrer les immigrés), puisqu'après quelques années passées dans l'Yonne on va retrouver deux cadavres de jeunes femmes dans son puisard.

L'affaire n'aurait pu être qu'un banal assassinat supplémentaire dans une région où il est difficile de tous les dénombrer, mais grâce à Treiber l'Yonne va une fois encore caracoler en tête de tous les journaux, puisqu'une de ses victimes est une célébrité : Géraldine Giraud (une actrice intégralement dénuée de talent, fille de l'acteur non moins médiocre, Roland Giraud. Ce meurtre lui permettra d'ailleurs hélas de relancer sa pitoyable carrière).

Une photo de la femme de Jean-Pierre Treiber (car oui il s'agit bien d'une femme et non d'un plombier clownesquement coiffé d'une perruque). La question se pose : vivre en compagnie d'une telle créature ne pousserait-elle pas n'importe quel individu, même le plus honnête, à assassiner la fille d'une vedette de seconde zone ?

Treiber se fit rapidement coffrer pour s'être servi quelques jours plus tard de la carte bleue de ses victimes. Il opta pour un système de défense assez sommaire qui consiste à nier systématiquement tous les faits qui lui sont reprochés, même les plus flagrants. Une défense typiquement icaunaise puisque, on s'en souvient, Émile Louis avait adopté la même. Il purge à l'heure actuelle une peine de prison à perpétuité. Treiber aurait pu connaitre un semblable destin, mais il parvint à s'évader de la prison d'Auxerre en se dissimulant très adroitement dans un carton. Depuis, sa cavale et sa capacité à échapper aux forces de police ont fait de lui un véritable héros populaire, pour la plus grande gloire de l'Yonne.

Car Jean-Pierre Treiber est sans doute un assassin, c'est un débile profond au faciès repoussant, pourtant nous l'aimons. Nous l'aimons parce qu'il ressemble à notre plombier, à notre balayeur, à notre chauffeur de bus : il ressemble à tous ces gens qui nous entourent. C'est un humble travailleur, modeste et consciencieux. Il est comme Émile Louis : c'est l'antithèse parfaite de tous ces tueurs hollywoodiens, surdoués, charismatiques et sans scrupule. Lui ne fera jamais l'objet d'un film, jamais Nicolas Cage n'incarnera sa personnalité. Il y a des héros ordinaires : Treiber, lui, est un psychopathe ordinaire, qui conserve même dans ses crimes l'humilité de l'homme du peuple. Il a su rester une sombre brute épaisse, presque un primate. Il ne tue pas pour épater la galerie mais uniquement pour satisfaire ses pulsions de violent maniaque névrotique. C'est un meurtrier sanguinaire, qui a tué deux femmes à coup de gaz anti-renards, mais il ne se croit pas pour autant obligé de rouler des mécaniques et d'aller plastronner à droite à gauche. Jean-Pierre Treiber a l'assassinat modeste. Ses meurtres lui ressemblent : ils sont humbles et discrets, exécutés sans chichis, avec l'application laborieuse de ceux qui veulent bien faire.

Et parce que c'est un homme simple, et qu'il ressemble à notre voisin ou à notre oncle, et à tous ces gens qui nous entourent, il sait nous rendre le monde beaucoup plus fascinant et pour cela nous ne pouvons que l'aimer.

(et nous l'aimons aussi un peu pour nous avoir débarrassé d'une des pires actrices qui ait jamais existé).