janvier 16, 2010

Pete Doherty (1979-2010)




Voilà !
Ça devait arriver un jour. Depuis le temps que ça lui pendait au nez.
Pete Doherty est mort hier, à l'âge de 30 ans. Overdose, évidemment... Plus qu'à brûler un cierge pour Saint-Pete, la larme à l'oeil, en se repassant les disques des Libertines, comme d'autres se repassent les vieux discours de Philippe Séguin !
Sauf que non. La vérité, c'est que ces derniers temps, tout le monde se fichait de Doherty. Sa dernière actu avant de passer l'arme à gauche ? Il avait chanté « Deutschland über alles », l'hymne nazi, lors d'un concert en Allemagne. Les Teutons n'avaient pas apprécié. Les Anglais s'étaient foutus de sa gueule. Les Français n'étaient même pas au courant. Racontez l'anecdote à vos amis : vous vous heurterez au mur poli de leur complète indifférence.
« Pete Doherty, le mec qui sortait avec Gisele Bündchen ? »

C'est un fait, Pete était devenu complètement ringard. Tout juste bon à passer chez Denisot. En attendant Drucker... Pour certains, il était même mort depuis longtemps.
Vous trouvez encore que sa musique était fantastique ? Il faut se mettre à la page, mon vieux. Vos dix-huit ans sont déjà loin. Le rock c'était mieux il y a cinq ans, dites-vous ? Espèce de sale réac !  Les Libertines ! Pourquoi pas les Strokes pendant qu'on y est ?
Faites le test. Passez « What A Waster » à votre petit frère : il vous jettera un regard plein de mépris, avant de retourner éclater ses boutons d'acné sur fond d'electro-rock baveux. Les élucubrations romantico-lyriques de Doherty n'ont plus leur place en 2010...

Pourtant, rappelez-vous.
Nous sommes en 2004.
Saddam Hussein est encore vivant. MySpace aussi.
Vous avez une coupe Beatles, des Converse, un perfecto. Peut-être même des Ray-Ban Wayfarer et une veste militaire (si vous êtes vraiment cool). La super classe. Vous venez d'apprendre à faire des barrés sur la guitare que vous avez eue pour Noël. Vous vous souvenez ?

Si ce n'est pas le cas, écoutez, ça va vous revenir :



Toujours rien ? Une petite reconstitution des faits s'impose.

C'est très simple, en fait : les années 60 avaient eu leurs Kinks, les années 00 ont eu les Libertines (1999-2004)... En ce début de siècle, ils étaient le groupe de rock anglais ultime. A la section rythmique : Gary Powell, cogneur surdoué, docteur ès cymbale crash et roulements furieux, parfaitement assisté par l'impeccable John Hassall, as de la quatre-cordes à la transparence achevée.
Un écrin de luxe pour le duo de guitaristes-chanteurs-compositeurs le plus phénoménal de la décennie : à ma gauche, Carl Barât, beau brun de 75 kilos, jeans déchirés et Gibson Melody Maker en bandoulière - un véritable rêve de pucelles. A ma droite, Peter Doherty en personne, poupon tout juste sorti de l'œuf mais en passe de devenir l'icône rock n°1, loin devant le protestant Julian Casablancas et le buveur d'eau Jack White.
Les deux lads avaient décidé de rejouer une dernière fois la fameuse paire Lennon-McCartney, Jagger-Richards, Strummer-Jones. Ils y sont parvenus au-delà de toute espérance...
Dès leur premier album, Up The Bracket (2002), ils explosent tout sur leur passage. La faute à un répertoire divin qui fait alors office de marton-pilon dans les cœurs d'une adolescence lassée des minauderies de Justin Timberlake : « Vertigo », « Time For Heroes », « Horrorshow », « Tell The King », « The Good Old Days ». Des mélodies belles à crever au service de chansons punk jouées en accords mineurs... Les Clash enculant sauvagement Pulp, les Only Ones crucifiant les Smiths.
De quoi faire oublier quinze ans de « disques du mois » Rock'n'Folk!


"The Good Old Days" en live : sans aucun doute l'apex libertinien, 
si vous me passez l'expression 

Immédiatement, l'écoute de ce disque relève de la révélation mystique. C'est le syndrome de Stendhal à tous les coups : certains auditeurs tombent en syncope, d'autres fondent en larmes, incapables de se remettre du choc ! En seulement 36 minutes, Doherty impose sa tassiture unique, mélange bouleversant entre le feulement rauque d'un chat écorché et les hurlements cockney d'un Johnny Rotten qui serait sensible à la poésie.
Une voix d'enfant et de vieillard tout à la fois, capable de porter les ballades les plus déchirantes comme les ruades garage les plus violentes. Derrière, le maelström de guitares sur-aiguisées de Barât achève d'emmener le tout dans des sphères électriques que seuls les plus grands, jusque-là, ont fréquentées... Difficile de ne pas fonder un groupe après avoir entendu ça.
Le signal est lancé ! Peu à peu, des rumeurs de concerts fiévreux, expédiés à cent à l'heure, gagnent la ville. On raconte que les Lib's se piquent, font des passages en prison, se bagarrent, baisent à tout va. Citent Baudelaire en interview ! A chaque nouvelle apparition sur scène, Doherty consolide sa légende : livide, tatoué, en sueur, il maltraite sa guitare comme d'autres leur Marie Trintignant, en tire des solos d'une approximation sublime, s'offre tout entier au public dans une représentation en direct de la Passion, dont les cantiques sont repris en chœur par une masse de fidèles toujours plus nombreuse.



Leur deuxième album, The Libertines (2004), à la pochette inoubliable, est tout aussi poignant (« What Katie Did », « Music When The Lights Go Out », « Last Post On The Bugle »). Mais Pete et Carl ne se supportent plus, ils s'entredéchirent et laissent tourner la console d'enregistrement pendant leurs engueulades : ça donne « Can't Stand Me Now », dialogue épique, d'une sincérité folle, entre les deux frères désormais ennemis. Puis c'est l'inévitable implosion. Quand le disque sort, le groupe n'existe déjà plus... Doherty était devenu un zombie héroïnomane qui ne se pointait plus aux concerts, Barât fou de douleur préfère saborder le navire. L'affaire n'aura duré que deux ans.



"Can't Stand Me Now", la chanson de la rupture. 
Mes joues et ma petite culotte en sont encore toutes mouillées ! 

C'est après l'officialisation de leur acte de décès que la merde commença.
Les maisons de disques entrevirent le filon et bientôt, de ces chansons droites et pures naquit une cohorte de sous-groupes impatients de s'emparer du trône laissé vacant. The Music, Bloc Party, The Killers, les Arctic Monkeys et tant d'autres produits aseptisés répandirent aussitôt leur purin sur les ondes, rejoignant la « nouvelle scène rock » artificiellement créée par les médias. Les salauds ! Dès lors, tout était fini, on aurait beau bandouiller pour quelques-uns de leurs émules, la période qui suivit fut bidon, à de rares exceptions près - trop souvent laissées dans l'ombre.
Les années 2000, qui avaient si bien commencé, s'achevèrent dans la débâcle... Aujourd'hui, l'heure est au fluo (Passion Pit), au grand-guignol (The Horrors), aux bruits bizarres (Animal Collective) et au fromage blanc (Charlotte Gainsbourg). Mais lequel de ces groupes, pourtant presque sympathiques, écoutera-t-on encore dans cinq ans ? Et surtout, qui de nos jours rêve de leur ressembler ? Le romantisme absolu de leurs aînés s'est bel et bien perdu en cours de route, laissant place, au mieux, à une bonne humeur inoffensive, au pire, aux (im)postures cyniques des faiseurs sans âme dont se gargarise une partie de la jeunesse dite branchée.

Et Doherty, qu'a-t-il fait pendant tout ce temps-là ? Il est devenu plus connu. Mais surtout, il est devenu une caricature de lui-même – avec l'aide de la presse people, qui s'est empressée de lui coller l'étiquette risible « d'artiste maudit » et de « dandy destroy » (sic). Ont suivi, en vrac, une histoire d'amour avec Kate Moss, un groupe semi-minable (les Babyshambles), d'interminables démêlés avec la justice pour des histoires de drogue,  des groupies à la tonne, des photos pour le styliste Hedi Slimane, quelques kilos en plus, un album acoustique inepte... Mais peu d'authentiques chansons (« Fuck Forever » ? « Their Way » ?).


Doherty en duo avec Elton John : 
un spectacle particulièrement pathétique

Et puis il est mort, hier matin, entre un Eric Rohmer et un Mano Solo. Dans la grand-messe médiatico-nécrophile, pas un seul journal n'a su rappeler son importance, il y a quelques années, dans la vie de quelques milliers d'initiés, ceux-là même qui savent que Pete Doherty a un jour volé cent coudées au-dessus des clichés répandus par les salisseurs professionnels...

En deux ans de célébrité relative, les Libertines, il est vrai, n'ont rien révolutionné. Mais ils auront réussi l'exploit de dépouiller le rock de son oripeau morbide : la nostalgie. « It chars my heart to always hear you calling / Calling for the good old days / Because there were no good old days / These are the good old days » Le groupe de Doherty et Barât était une machine à ré-enchanter le monde. Tout devenait possible, il suffisait d'une guitare pour se sentir vivre plus intensément ! Le mode d'emploi se trouvait dans les chansons ingénues de leur premier album, dont le livret fournissait les tablatures entre deux photos des Lib's se baladant nonchalamment dans les rues de Londres... Se branler sur les groupes légendaires des années 60 en regrettant de ne pas les avoir vécues était devenu inutile, puisque les Libertines existaient ici et maintenant !

Il y a peu, des rumeurs de reformation du groupe avaient commencé à circuler. Certains s'étaient pris à espérer en cachette un troisième album, le chef-d'œuvre qui aurait dû les consacrer à jamais... L'an dernier, Doherty lui-même confiait au NME : « Les Libertines vont se retrouver au cours des prochaines années, d'une façon ou d'une autre ». D'une façon ou d'une autre ? Carl, tu sais ce qui te reste à faire...



"Their Way" en duo avec les Littl'ans : vole, petit ange ! 
Nous ne t'oublierons pas !

12 commentaires:

  1. qu'on inonde les radios de ses chansons!
    que les femmes se donnent dans les rues à sa mémoire!
    que l'on ne retienne plus nos larmes en pensant à ces putains de good old days!

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  2. Enguerrand Fiolet18 janvier 2010 à 09:24

    "Tassiture" n'existe pas. "Tessiture" oui. Et en l'occurence, je pense que vous vouliez parler de "timbre" de voix plutôt que de tessiture, qui ne correspond qu'à l'ensemble des notes jouées par une voix ou un instrument.

    Par ailleurs, vous oubliez de mentionner que Pete faisait partie de ces chanteurs (oserait-on dire guitariste?) qui a su se rendre populaire en arrivant sur scène avec 2,5 grammes dans le sang et qui plaçait des Fa# dans des Do, sans le savoir. Rendons-lui également cet hommage.

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  3. Il n'est pas mort. C'est impossible.
    D'où est ce que ça sort cette info ?
    Il ne peut pas mourrir si proche de la reformation.

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  4. Après avoir lu je suis d'accord pete est mort,

    ps: faut arrêter de mettre la pression aux artistes on n'est que des connards de glandeurs... des insatisfaits chronique laissons-les...

    Pour moi pete est mort avec son image de rock star dans people magazine, ça tient du non sens ces conneries... il fut la lady Di des rocko prolo

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  5. il n'est pas mort ... vraiment n'importe quoi dans ce blog !

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  6. il y a un précédent dans le journalisme: quand la RTBF annonça la séparation de la Belgique. Annoncer la (fausse) mort de la Belgique faisait prendre conscience de son agonie... et la sauva peut-être.
    Si seulement Pete Doherty pouvait lire ce blog.

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  7. Je suis pas sûr que ça change ses chansons. D'accord avec l'auteur de l'article, Pete est en nette baisse depuis les libertines.

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  8. Les Libertines : de la bonne musique de fiotte. Faut-il être bête pour faire une distinction entre cette daube et les Arctic Monkeys ! Tout cela n'est que rock à puceaux.

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  9. Putain d'article magnifique, tu devrais écrire pour les inrocks ou mieux

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  10. C'est N'importe quoi cet article!
    les Libertines se sont séparer maintenant c'est Pete alors arrétez avec votre nostalgie et laisser le faire la musique qui lui plait!
    Carl de son coté ne fait rien de bon alors déchainez vous plutot sur lui mais Pete faudrait arréter de le critiquer 5 minutes!
    On est méme pas fichu nous auditeurs de créer Une chanson! alors comment est ce qu'on peut le juger lui, qui sait composer et écrire de belle chanson tout en étant sous alcool&drogue. Nous on ne tiendrait méme plus debout et serions dans un coma profond et lui??? Il créer de la superbe musique et nous fait de belle performances sur scéne parfois!! comme dirait tupac "Only god can judge me" donc nous ne sommes pas dieux alors ne jugeons pas!!!!!

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